L’abbé Saunière et le mystère de Rennes-le-Château : voici résumée la légende de Rennes-le-Château et du supposé trésor de l’abbé Saunière.
L’origine du mystère de Rennes-le-Château remonte à la nomination en 1885 de l’abbé Bérenger Saunière dans la petite paroisse de Rennes-le-Château, dans l’Aude (pays du Razès).
A partir de cette date, des événements mystérieux vont se produire, déclenchés par l’abbé Saunière lui-même, et qui donneront lieu aux plus incroyables spéculations. Ces événements nourriront nombre de recherches, théories, fictions, récits, romans (cf. le Da Vinci Code), articles et reportages, encore jusqu’à nos jours.
Le succès de cette histoire est en grande partie dû à ses connexions avec certaines des plus grandes légendes et mystères historiques, notamment le Graal, l’Arche d’alliance, le trésor des Wisigoths (trésor de Jérusalem), le trésor des Templiers ou encore celui des cathares.
Retour sur une légende qui a des racines bien réelles.
Voyons qui était l’abbé Saunière et tentons de décrypter le mystère de Rennes-le-Château.
Qui était Bérenger Saunière ?
Bérenger Saunière est né le 11 avril 1852 à Montazel, un village proche de Rennes-le-Château. Il est l’aîné d’une famille assez modeste qui compte 7 enfants. Son père tient une petite métairie appartenant au marquis de Cazemajou, descendant d’une très ancienne famille de la région et franc-maçon.
Son frère Alfred, prêtre lui aussi, est précepteur des enfants du marquis de Chefdebien, intime de comte de Chambord, prétendant au trône de France, mort deux ans plus tôt.
Bérenger étudie au grand séminaire de Narbonne. Il est ordonné prêtre en juin 1879. Il devient alors vicaire d’Alet avant d’être nommé à Clat, village isolé des Corbières. Il y restera trois ans et sera ensuite requis par sa hiérarchie comme professeur à Narbonne. Là, il apparaît que son attitude, parfois insolente et indépendante, décide ses supérieurs à le nommer dans une commune sans avenir pour lui, située au-dessus de la vallée de l’Aude, dans un coin reculé des Corbières et particulièrement isolée : Rennes-le-Château.
L’abbé Saunière à Rennes-le-Château.
Saunière arrive dans un village d’environ 200 habitants modestes, parmi lesquels des paysans pauvres qui vivent de la vigne et de la polyculture.
Le 1er juin 1885, tout juste âgé de 33 ans, Bérenger Saunière découvre sa cure et son église Sainte-Marie-Madeleine. La paroisse est pauvre et l’église en état de délabrement avancé prend l’eau.
1885 est aussi une année électorale ; Saunière critique la municipalité radical-socialiste pour l’état de décrépitude des lieux de culte ; il appelle même les paroissiennes à influencer leur mari pour le vote. Ce qui pousse le maire du village à écrire une lettre de protestation au ministre des Cultes, lequel sanctionne l’abbé financièrement.
De retour dans sa cure, Bérenger, comme en témoigne ses livres de comptes, vit très pauvrement, lisant et chassant beaucoup. Saunière se noue alors d’amitié avec un homologue, le curé d’une paroisse voisine, Rennes-les-Bains, située plus bas.
Quelques mois plus tard, grâce à son frère Alfred, la veuve comtesse de Chambord, nièce de l’empereur d’Autriche François-Joseph, lui remet une somme importante pour entreprendre le sauvetage de son église. En outre, elle lui aurait donné mission de rechercher dans l’église des documents (soit de nature monarchique, soit dangereux pour l’église) que souhaiterait récupérer son oncle François-Joseph. Rappelons que les Habsbourg étaient les protecteurs de Rome, l’empereur ayant droit de véto sur l’élection du pape (d’ailleurs, à la surprise générale, Charles Ier, dernier empereur, a été canonisé par Jean-Paul en 2002).
Les travaux de l’église Sainte-Marie-Madeleine et les découvertes de l’abbé Saunière.
Bérenger Saunière entreprend les travaux de colmatage de la toiture et multiplie les fouilles dans son église, qu’il décide de mettre au goût du jour. Nous sommes en 1887, peut-être en 1888-89 (sources différentes).
Les ouvriers déplacent la pierre du vieil autel et mettent à jour le sommet de deux piliers oubliés. Les témoignages concordent pour dire que c’est dans l’un de ces piliers qu’on été trouvés des rouleaux de bois scellés à la cire. De même, les témoins confirment la découverte d’une fiole dans le balustre.
Peu de temps après cette découverte, Bérenger Saunière décide d’enlever le dallage du cœur de l’église. Juste devant l’emplacement de l’ancien autel, une dalle de pierre de belle dimension livre deux surprises : la partie de la dalle ayant sa face en contact avec la terre se trouve ornée d’un superbe bas-relief représentant d’étranges sculptures de cavaliers apparemment très anciennes et une urne contenant des pièces de monnaie.
L’ensemble de ces découvertes est certain. La nouvelle se sait très vite au village, et on demande à Saunière de vendre les documents à un musée. Le balustre existe. Il est l’actuelle propriété de la famille Captier, dont l’aïeul était le carillonneur de Saunière. La dalle des Chevaliers est quant à elle exposée au musée du village.
En 1891, l’abbé met en œuvre des plans très sophistiqués pour son domaine. La configuration de cet espace est entièrement basée sur l’opposition entre le jour et la nuit, la lumière et obscurité, le blanc et le noir.
Le domaine s’organise comme un jeu d’échecs. La tour Magdala (sombre) et la serre (lumineuse), de dimensions identiques, sont construites sur les mêmes emplacements que celui du jeu. Pour la Tour Magdala, on entre dans une pièce sombre et l’on monte 22 marches pour accéder à la lumière. Pour la serre, on arrive en pleine lumière et l’on descend 22 marches pour pénétrer dans une salle obscure.
Les plans du jardin jouxtant l’église reproduisent au centimètre près les contours de l’église, comme si pour pénétrer dans l’église visible, il fallait d’abord traverser une église invisible.
Dans l’église elle-même, le statutaire a été réalisé par l’atelier Giscard, franc-maçon affiché. Si l’on relie les initiales des saints qui ornent les murs en formant la lettre M, on obtient le mot GRAAL.
De chaque côté de l’autel se trouvent deux statues : Joseph tenant l’enfant Jésus d’un côté, de l’autre la Vierge-mère (et non pas la Vierge Marie) enserrant le même enfant dans ses bras. Deux enfants donc…
Quant à la station XIV du chemin de Croix, les trois frêles silhouettes évoquent une discrète sortie du tombeau conduite par Marie-Madeleine. En effet, le Christ est mort un vendredi, jour du Shabbat qui interdit toutes activités après le coucher du soleil. Or y figure une lune dont on peut estimer l’heure à 22h00, donc incompatible avec la religion juive. Par contre, on peut y percevoir une imagerie proche du langage cathare : un monde créé par le diable (bénitier), un Christ pas mort sur la Croix, l’existence d’un frère, dont les évocations proviendraient de textes araméens détenus par les Cathares de Montségur…
Les problèmes de l’abbé Saunière.
En 1892, la mairie se plaint officiellement des agissements du curé dans le cimetière : Saunière ouvre les tombes et bouscule les ossements qu’il place ensuite dans un ossuaire…
En 1893, Saunière se rend à Paris, avec l’accord de l’évêque de Carcassonne Monseigneur Billard. Il s’entretient avec l’abbé Vieil, directeur de l’église Saint-Sulpice, de ses découvertes.
Les difficultés commencent quand Monseigneur Beauséjour, le nouvel évêque de Carcassonne, accuse Saunière de trafic d’indulgences, c’est-à-dire de détourner à des fins personnelles l’argent expédié par les congrégations et les fidèles à travers toute la France. Il le mute dans une autre paroisse en 1909 où Saunière refuse de se rendre avant d’être cité à comparaître devant le tribunal de l’officialité qui le condamne, le 6 juillet 1910, à un suspense a divinis, lui interdisant notamment de célébrer la messe.
Ce sont sans doute les moments les plus difficiles de la vie de l’abbé Saunière.
L’abbé Saunière et la naissance du mystère de Rennes-le-Château.
Revenons en arrière. La découverte des manuscrits, que personne ne conteste, est bien le commencement matériel de toute l’affaire. Leur examen, à Paris, par des érudits ecclésiastiques connus, eux-mêmes en rapport avec des courants liés à des cercles ésotériques, autorise toutes les spéculations.
Dès le retour de l’abbé à Rennes-le-Château, commence une période de prospérité inégalée, laquelle s’accompagne de la venue de célébrités et de visiteurs de toutes sortes. Comme celle de Dujardin-Beaumetz, secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, élu centre gauche du département, franc-maçon avéré, celle d’Emma Calvé, cantatrice célèbre ou encore celle de l’archiduc Jean de Habsbourg.
Les constructions du curé transforment le village. Sous la tour Magdala court une sorte de souterrain avec une série de salles qui font penser à une organisation mystique. La décoration surréaliste de l’église, un diable gigantesque et une devise en latin terribilis est locus iste (cf. livre de la Génèse : « ce lieu est un lieu de force ») accueillent les visiteurs qui ignorent que cette phrase se poursuit par « et sur ce lieu je bâtirai la maison de Dieu ».
Le curieux chemin de Croix où l’on découvre également un discret Ecossais en kilt et un damier qui rappellent le pavé mosaïque maçonnique ne peuvent laisser le visiteur attentif sans questions.
Mais la question principale concerne les fonds considérables dont l’abbé Saunière aurait bénéficié pour effectuer ses travaux. On parle d’un trafic de messes par des communautés religieuses essentiellement du Nord et de l’Est de la France, portant sur plus de 110000 messes commandées par séries de 200 ou 300 à la fois : comment et à quelle occasion Saunière pouvait-il être impliqué dans cette affaire ?
Par ailleurs, on peut se demander pourquoi les relations de l’abbé avec l’Eglise changent soudainement avec l’arrivée d’un nouvel évêque, Monseigneur Beauséjour, qui réfère directement au nouveau pape Pie X (1903-1914).
Notons qu’avec l’élection de Benoît XV (1914-1922), les projets de l’abbé s’accélèrent.
Après la mort de Saunière (le 22 janvier 1917), le silence s’installe pour quelques décennies. Pourtant, il se murmure que ce n’est pas le trésor trouvé mais les secrets contenus dans les parchemins qui auraient permis d’enrichir l’abbé et la paroisse.
Beaucoup de questions demeurent sur la véritable richesse de l’abbé Saunière, son origine, mais aussi sur l’abbé lui-même : que savait-il vraiment de la signification ésotérique des rébus présents dans son église ?
Les différentes théories au sujet de l’abbé Saunière et du mystère de Rennes-le-Château.
Résumons les différentes théories qui circulent au sujet du supposé trésor de Rennes-le-Château et de son origine.
La thèse de la lignée mérovingienne.
La première hypothèse, sans doute la plus sulfureuse, est celle d’une lignée mérovingienne qui aurait fait l’objet d’un complot de l’Eglise en accord avec les Maires du palais carolingiens. Cette généalogie, un temps disparue, serait réapparue avec la première croisade lors de la défense du royaume franc de Jérusalem et aurait constitué le noyau fondateur de l’ordre du Temple qui serait ainsi devenu le dépositaire ésotérique de ce secret.
Le roi Philippe IV Le Bel, éconduit par les Templiers, aurait alors décidé avec le pape d’abattre ces chevaliers devenus trop puissants (13 octobre 1307), détenteurs d’une vraie légitimité dynastique.
A noter que cette thèse dynastique est suggérée dans un certain nombre d’œuvres d’art comme le tableau de Nicolas Poussin Les bergers d’Arcadi qui constituerait un rébus cachant un secret.
Une lettre, authentique, de l’abbé Louis Fouquet, adressée depuis Rome à son frère, le célèbre Surintendant général des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, parlant de l’exécution de ce tableau et des « nombreux profits » que l’on pourrait en retirer, aurait provoqué la rage du roi et la disgrâce de Fouquet.
Puis les aléas de l’histoire moderne, surtout ceux de la Révolution française, auraient provoqué une perte des secrets, secrets que les familles concernées auraient pu reconstituer par l’intermédiaire de l’abbé Saunière.
D’autres considèrent que la thèse mérovingienne cacherait une réalité bien plus importante encore : derrière la généalogie des mérovingiens se dissimulerait celle du Christ. Cette hypothèse avait déjà fait l’objet d’un opuscule publié par un franc-maçon, Robert Ambelain. Elle sera reprise par nombre d’auteurs, certains célèbres, par exemple Dan Brown (le Da Vinci Code).
Selon Ambelain, l’étude du secret des Templiers nous permettrait d’envisager le fait que Jésus ne serait pas mort sur la Croix mais aurait eu une descendance. Le trésor de Rennes-le-Château serait donc celui de manuscrits d’origine templière révélant que les Mérovingiens seraient cette dynastie héritière du Christ.
Ainsi, Jésus aurait été marié à Marie-Madeleine ; cette dernière serait arrivée avec ses compagnons et le fils de Jésus aux Saintes-Maries-de-la-Mer, dans le Sud de la Gaule, au milieu du Ier siècle.
Jésus ne serait donc pas Dieu incarné, mais un homme chargé d’une mission divine. Cette conception radicalement hétérodoxe du christianisme émerge à différentes occasions historiques, par exemple à travers les Cathares, et plus tard dans certaines œuvres comme celles de Léonard de Vinci. Puis, les sociétés secrètes (Rosicruciens, francs-maçons…) seraient devenues les dépositaires fragmentaires de cet incroyable secret…
Le jeu mystérieux de l’abbé Saunière.
Qui était Bérenger Saunière ? Un génial mystificateur, un manipulateur, un affabulateur, ou l’héritier d’un secret bien encombrant ?
Soulignons les considérables changements dans la vie de l’abbé Saunière au gré des autorités ecclésiastiques. Saunière est d’abord soutenu par l’évêque de Carcassonne, Monseigneur Billard et par le pape Léon XIII qui passe pour un moderniste. Puis, le nouveau pape Pie X est élu (1903-1914) et le nouvel évêque de Carcassonne, Monseigneur Beauséjour, va immédiatement sévir contre l’abbé, le mettre en jugement et tenter de l’expulser de sa cure. Mais soutenu par ses paroissiens, la mairie et de nombreuses personnalités, Bérenger Saunière ne plie pas.
Des forces semblent présentes pour défendre Saunière face à l’autorité du Vatican. D’ailleurs, à peine le nouveau pape est-il élu en 1914 (Benoît XV) que sa situation se rétablit : Saunière relance alors ses projets.
Rappelons en outre qu’un grand nombre de personnalités de la Troisième République, ministres, députés, sénateurs, artistes, écrivains et maîtres en ésotérisme sont passés à Rennes-le-Château et ont été en contact avec l’abbé Saunière. Jean de Habsbourg s’y est aussi rendu.
Rappelons enfin que les fouilles archéologiques de l’abbé Saunière sont indéniables et qu’elles ont mis à jour des objets de l’époque wisigothe, c’est-à-dire du haut Moyen-âge, juste avant que les Francs de Clovis ne conquièrent l’ancienne Gaule. L’abbé semblait savoir où chercher.
Si nous mettons ces faits en perspective, nous ne pouvons que nous interroger sur le comportement de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château.
L’influence de l’entourage de Bérenger Saunière.
Alfred, le frère cadet de Saunière, était précepteur dans une famille de haute et très ancienne noblesse, les Chefdebien de Narbonne. Ces derniers ont rejoint la franc-maçonnerie dès le XVIIIème siècle. Après 1815, les Chefdebien reconstituent une chevalerie mystique qui se prévaut de son héritage à la fois maçonnique, templier et occultiste.
C’est ainsi qu’Alfred a connaissance de certaines traditions et secrets, qu’il aurait pu transmettre à Bérenger Saunière.
Saunière est aussi en contact avec des érudits, dont l’abbé Boudet de Rennes-les-Bains, qui mourra curieusement empoisonné, et l’abbé Gélis, curé à Coustaussa. Ce dernier sera atrocement assassiné dans des circonstances jamais élucidés. Ses meurtriers signeront leur crime par le nom d’une société secrète, Viva Angelina, dont personne n’a jamais pu identifier l’origine.
Il faut aussi évoquer l’abbé Bigou, prêtre de Rennes-le-Château à la veille de la Révolution. Le curé Bigou se trouvait très lié aux familles Chefdebien et d’Hautepoul, très impliquées, comme nous le savons, dans la franc-maçonnerie.
Les parchemins trouvés par Saunière seront examinés à l’église Saint-Sulpice de Paris, important séminaire de l’Eglise de France, dont le directeur est l’abbé Vieil, lequel avait un neveu alsacien, l’abbé Hoffet, qui a participé au développement d’un catholicisme libéral ayant pour but de développer une nouvelle lecture des Ecritures.
Par ailleurs, Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne, qui soutient sans faille l’abbé Saunière, est très proche du Cardinal de Bonnechose, longtemps archevêque de Rouen, et très lié au pape Léon XIII. A la mort de Billard, la hiérarchie catholique s’acharne sur l’abbé Saunière jusqu’à l’avènement du pape Benoît XV, un proche des Habsbourg…
Les connexions autour de l’affaire.
Les mystères prêtés à la région de Rennes-le-Château avant même les découvertes de Saunière, sont fréquents dans la littérature du XIXème siècle. Ils évoquent les Mérovingiens, la Normandie, les
Templiers, les francs-maçons ainsi que diverses légendes de la région du Razès.
Parmi les auteurs, on peut citer Gérard de Nerval, Maurice Barrès, Maurice Leblanc, Charles Nodier ou encore Jules Verne, dont l’un des premiers et méconnus romans, Clovis Dardentor, mérite attention : Clovis, grand roi Mérovingien et Dardentor (« or ardent ») vivent un curieux périple en Algérie. A ceci prêt que la topologie décrite par Jules Verne est trait pour trait non pas celle de l’Algérie, mais celle du Razès. Or la région du Razès a, aux yeux de l’histoire de la chrétienté, une importance particulière.
Comme en témoigne Nicolas Pavillon, évêque d’Alet (à quelques kilomètres de Rennes-le-Château), ville qui fut pendant des siècles le siège du plus petit évêché d’Europe occidentale. Nicolas Pavillon est lui-même étroitement lié à Saint-Sulpice.
En suivant les traces de Pavillon, on rencontre l’abbé Bigou. De Bigou on arrive à l’abbé Boudet et au curé Gélis, tous deux rappelons-le abominablement assassinés… Nicolas Pavillon est connu des historiens pour avoir été l’inspirateur et le récipiendaire des Provinciales, lettres rédigées par Pascal contre les Jésuites. Pavillon était l’un des penseurs du jansénisme naissant. Le jansénisme rejette la théologie jésuite des œuvres pour y substituer, comme chez Luther et Calvin, le rôle central de la grâce.
Devenant le réceptacle de toutes les oppositions contre la monarchie absolue, il n’est pas vain de faire du jansénisme l’une des bases de la gauche française. Le jansénisme cherchera même au XVIIIème siècle à créer une relation avec l’Eglise anglicane faisant de Saint-Sulpice de Paris et de Saint-Paul de Londres deux bases d’une chrétienté dressée contre les abus de Rome. Le jansénisme émerge, après le massacre des guerres de religions, dans la France de Louis XIII (XVIIème siècle), porté par l’évêque Cornelius Jansen.
A la même époque apparaît un personnage d’exception, Vincent de Paul, prêtre landais qui, avec une femme de haute noblesse, Louise de Marillac, va créer ce que nous pourrions nommer aujourd’hui la politique humanitaire de l’Eglise. Au départ, Vincent de Paul appartient à la frange la plus traditionnelle et conservatrice de l’Eglise de France. Officiant à Marseille, il est enlevé par une galère de pirates Sarrazins qui le vendent, à Tunis, à un riche musulman qui l’initie aux arcanes de l’alchimie avant qu’il ne puisse s’évader à l’aide d’une barque de pécheurs. De retour en France, Vincent de Paul abandonne très vite son courant initial et se rapproche singulièrement des jansénistes et de Nicolas Pavillon, lequel est aussi un proche du peintre Nicolas Poussin, très lié à des sociétés occultes. Mais l’activisme de Pavillon se heurte au vif mécontentement de la haute hiérarchie catholique. Il se morfond dans son exile d’Alet ou la papauté continuera d’exercer sur lui des pressions attestées.
En effet, Rome, tout comme Versailles, surveillent étroitement ses faits et gestes. Et tout particulièrement les rencontres de l’évêque avec son neveu, l’abbé Montfaucon de Villars, curé à la vie agitée dont Voltaire nous conte l’aventure dans Le siècle de Louis XIV. Peu après la mort de son oncle, l’abbé publie un étrange ouvrage où sont révélés des éléments d’initiation à une société secrète dont Nicolas Flamel, le grand alchimiste du XIVème et XVème siècle, aurait été membre. Son livre décrit également des trésors cachés connus de Nicolas Flamel, l’initiation de René d’Anjou et la responsabilité de grandes familles de Lorraine et d’Occitanie sur la transmission d’un secret dépositaire des Rose-Croix.
Rappelons pour mémoire que Rose-Croix proviendrait d’un chevalier revenu de Terre Sainte, Christian Rosenkreutz dont l’initiation aurait abouti à une opposition radicale à l’Eglise Catholique en voulant notamment dépasser les dogmes par la maîtrise de la Kabbale et associer la rose, juive, à la Croix. Chevalier dont la tradition affirme qu’il est enterré en terre occitane.
Enfin, l’abbé Montfaucon de Villars aborde dans ses écrits la présence des Templiers à la Commanderie du Bézu, non loin de Rennes-le-Château. Historiquement, la Commanderie du Bézu, si elle fut un lieu de passage des Templiers en fuite vers l’Espagne et le Portugal, fut aussi un endroit où des Cathares persécutés (chute de Montségur 16 mars 1244) trouvèrent refuge.
Or c’est à cette époque que le Vatican créa l’évêché d’Alet. Alet vient du latin Electum qui signifie « la ville du peuple Elu ». On ne sait rien sur sa fondation. Aujourd’hui encore, Alet dégage une curieuse impression de mystère, tout particulièrement sur la présence des Juifs dans cette bourgade. La rue de la Juiverie fut longtemps la plus longue de ce village qui ressemble pourtant à une ville en miniature et sa cathédrale, détruite, portent des étoiles de David. Il n’y a pas de réponse à la question de savoir pourquoi l’Eglise a crée ici un évêché en un lieu ou apparemment rien ne semble l’imposer… Mais l’abbé Montfaucon de Villars n’aura pas le temps de savourer les questionnements engendrés par son ouvrage : il est lui aussi sauvagement assassiné.
Au fil du temps, on remarque qu’il y a ainsi un véritable emboîtement de sociétés secrètes, qui font parfois des apparitions au grand jour comme la Royal Society directement issue de la transplantation laïcisée de la Rose-Croix, dont Isaac Newton était l’un des membres les plus éminents.
Marie-Madeleine et l’hypothèse d’une implantation juive dans le Sud de la France.
Dès le IIIème siècle après Jésus-Christ (époque de l’évangélisation de l’Empire romain), on prétend que Marie-Madeleine serait arrivée en Gaule au milieu du Ier siècle, accompagnée de quelques fugitifs. Après avoir dérivé en Méditerranée, la sainte aurait accosté aux Saintes-Maries-de-la-Mer, avant d’évangéliser la Provence.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la Gaule dans l’histoire de la fin du royaume juif de Jérusalem, avant sa destruction en l’an 70 de notre ère. A la mort d’Hérode le Grand, ses quatre enfants (les Tétrarques) se disputent l’héritage. L’un deux, Hérode Agrippa, est exilé par l’empereur Tibère. Il quitte la Palestine avec sa famille et ses courtisans et s’installe à Vienne, en Gaule, où il y tiendra une cour opulente. Sa vie nous est bien connue grâce à son avocat, Philon, dont le plaidoyer écrit en grec a été conservé.
Nous assistons donc à la naissance d’une importante implantation juive le long du Rhône, organisée autour de ce prince, dépositaire d’un certain nombre d’informations qui nous parviendront déformées par le temps à travers les prophéties de Nostradamus, dont la famille juive est issue de cette région.
Autour de cette colonie juive qui menait grande et belle vie vient se greffer l’histoire du trésor de Jérusalem. Ce trésor qui se trouvait dans le caveau du second Temple de Jérusalem a été conservé jusqu’à la prise de la ville par les Romains en 70 après Jésus-Christ. Un très grand nombre d’objets ont été rapportés triomphalement à Rome. Mais on ne sait pas ce qu’est devenu ce trésor après la prise de Rome en 410 par le wisigoth Alaric. Alaric est-il enterré, comme le voulait l’usage, avec son trésor, dans la montagne qui depuis plus de mille ans porte son nom entre Narbonne et Carcassonne, dans ce pays du Razès ?
Quoi qu’il en soit, il y a bien là un mystère ancré dans la terre du midi, lié aux origines juives de la christianisation de la Gaule. Et ce mystère inclut la présence du Roi des Juifs dont l’existence apparait pour la première fois sous le règne de Charlemagne. Ce Roi des Juifs, qui bénéficiait de la protection reconnue de l’Empereur d’Occident Charlemagne et de Louis le Pieux en particulier, est bien domicilié dans cette région entre Narbonne, Alet et Rennes-le-Château, comme l’atteste l’étude scientifique de parchemins carolingiens. Puis son titre disparait après l’an mille avant de réapparaitre sous un commentaire médiéval « Le Roi des Juifs, dont la résidence serait à Rouen… ».
Les fouilles archéologiques récentes viennent de mettre à jour un important complexe religieux juif à Rouen alors placé sous la protection de Guillaume le Conquérant et de ses successeurs directs, les Plantagenêt… Certes, on ignore le rôle de ce Roi des Juifs, mais l’on sait que les Carolingiens furent favorables aux Juifs. Des récits carolingiens concordent pour affirmer l’existence de chevaliers juifs participant aux guerres de Charlemagne contre les Sarrazins, mais aussi leur liberté totale de commercer et de vivre leur religion.
Fait unique de l’Occident médiéval, c’est dans la région de Carcassonne et d’Alet que l’on trouve une noblesse juive qui administre des bailliages et qui reçoit l’impôt des paysans. N’est-ce pas ce temps carolingien qui a favorisé les premières rencontres entre judaïsme et christianisme, aux origines même de l’Occident européen ?
C’est entre l’avènement de Charlemagne (800) et l’an mille que commence le bouleversement de la nouvelle pensée juive, non plus fondée sur le commentaire de la Torah – le Talmud – mais sur une élaboration mystique qui va révolutionner la réflexion traditionnelle : la Kabbale. Les premiers textes de la Kabbale sont tous écrits dans le midi de la France et les premiers grands kabbalistes, tous juifs français, donnent naissance à des œuvres qui vont transformer la conception même du judaïsme.
Il existerait donc des connexions entre la diffusion de la Kabbale, l’existence d’une principauté juive dans le Sud de la France et le mystère de Rennes-le-Château…
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Modif. le 10 avril 2024