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Walter White dans Breaking Bad : vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ?

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Walter White dans Breaking Bad : vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ? Voici une analyse philosophique de la célèbre série.

A travers le parcours du personnage principal Walter White, la série Breaking Bad pose plusieurs questions philosophiques fondamentales :

Vivons-nous vraiment la vie nous souhaitons vivre ou est-ce une illusion dans laquelle nous nous réconfortons et nous cachons car nous avons peur d’affronter la réalité des choses ? Avons-nous le courage de changer notre vie pour en vivre une qui nous conviendrait/correspondrait davantage ? Est-ce seulement une question de courage et de volonté ? 

Cet article explore ces questions philosophiques en s’appuyant sur les thèmes de la liberté, de l’identité et de la peur tels qu’illustrés par Breaking Bad. 

Walter White débute la série Breaking Bad comme un homme apparemment ordinaire, contraint par des circonstances accablantes : un salaire de professeur insuffisant, un fils handicapé et un diagnostic de cancer inopérable. Mais une sorte d’éveil ou de prise de conscience va se produire…

La prise de conscience de Walter White de l’urgence de vivre la vie qu’il souhaite au vu du peu de temps qu’il lui reste commence dès la fin du tout premier épisode de la série :

Je suis éveillé.

Walter White 

L’éveil de Walter White survient lorsqu’il décide de ne plus se laisser dicter sa vie par les circonstances et les attentes des autres. Avant cet éveil, il vit une existence qu’il perçoit comme banale et sans éclat : un emploi mal rémunéré, des difficultés financières, et une maladie incurable. Cette situation de passivité et de résignation représente une vie subie plutôt que choisie. 

En affirmant « je suis éveillé », Walter reconnaît pour la première fois sa propre puissance et ses capacités latentes. Cette prise de conscience est un moment de révélation personnelle où il se rend compte qu’il a le pouvoir de changer le cours de sa vie. Il réalise qu’il n’est pas seulement un acteur passif dans son propre récit, mais qu’il peut en devenir le scénariste. 

En effet, comme Walter White, nous avons tendance à faire semblant d’ignorer que nous allons mourir, jusqu’à ce que la mort se rapproche (à l’instar du cancer inopérable de Walter), se montre ou même nous frappe d’un coup. Ainsi, nous faisons comme si nous n’allions pas mourir… jusqu’à ce que nous n’ayons plus d’autre choix que d’affronter la réalité. 

Cette confrontation à la réalité semble déclencher un questionnement : vivons-nous la vie que nous souhaitons, ou non ? Il faut donc savoir se poser la question, remettre sa propre vie en question. Mais un ennemi, et pas des moindres, nous ralentit dans cette quête : la peur. 

Il semble que ce soit la peur qui empêche Walter White de vivre la vie qu’il souhaiterait vivre : 

J’ai passé toute ma vie à avoir peur. Effrayé par des choses qui pourraient arriver, qui pourraient ne pas arriver. J’ai passé 50 ans comme ça. Je me réveille à 3 heures du matin. Mais vous savez quoi ? Depuis mon diagnostic, je dors très bien. Je me suis rendu compte que la peur est le pire des problèmes, le véritable ennemi. Alors, lève-toi, sors dans le monde réel et donne un coup de pied à ce bâtard aussi fort que possible, en plein dans les dents.

Walter White  

Comme la majorité d’entre nous, Walter White a peur de l’incertain, des risques à prendre, de sortir de la norme : cette peur le paralyse et lui force à vivre une vie qu’il n’aime pas. Seul son diagnostic l’aidera à combattre cette peur, car son cancer crée chez lui une peur encore plus grande : mourir en n’ayant jamais réellement vécu. 

Le philosophe Jean-Paul Sartre, un des principaux représentants de l’existentialisme, a travaillé sur l’idée de la liberté et de l’authenticité. Sartre soutient que l’être humain est « condamné à être libre ». Selon lui, nous avons la liberté radicale de choisir notre propre chemin, mais cette liberté s’accompagne d’une grande responsabilité et d’un certain niveau d’angoisse.

Pour Sartre, vivre authentiquement signifie reconnaître cette liberté et faire des choix en accord avec nos véritables désirs, plutôt que de se conformer aux attentes sociales ou aux rôles prédéfinis. 

Ainsi, selon Sartre, nous avons toujours le choix et la possibilité de vivre la vie que nous souhaitons vivre, il faut simplement être prêt à affronter nos peurs et à assumer nos responsabilités. 

L’évolution de Walter White en Heisenberg illustre une transformation profonde de son identité.

Hannah Arendt, dans ses réflexions sur l’action et l’identité, suggère que nous nous définissons par nos actions. Walter, initialement motivé par le désir de subvenir aux besoins de sa famille, se perd dans son alter ego criminel. Sa quête de pouvoir et de reconnaissance devient une fin en soi, révélant une identité enfouie mais peut-être plus authentique. 

La série interroge ainsi la notion d’identité : sommes-nous vraiment qui nous pensons être, ou notre véritable nature se révèle-t-elle à travers nos choix et nos actions ?

Walter White se découvre progressivement à travers ses choix, remettant en question l’idée que nous pouvons contrôler ou même connaître entièrement notre véritable identité, ce qui nous laisse donc plutôt penser que vivre la vie que nous souhaitons vivre ne serait pas seulement une question de courage ou de volonté mais aussi d’un manque de connaissance de nous-même….

Autrement dit, nous ignorons sans doute ce que nous voulons réellement, au plus profond de notre être… mais alors, comment être capable de vivre la vie que nous souhaitons vivre lorsque nous ne savons même pas ce que nous souhaitons ? 

Les religions et les spiritualités abordent la question de la vie que nous souhaitons vivre, ou encore que nous sommes destinés à vivre, notamment dans l’hindouisme avec le concept de dharma (le devoir ou la voie juste). Il s’agit de vivre en accord avec son propre dharma, qui est unique pour chaque individu. La Bhagavad Gita, un texte sacré hindou, traite de l’importance de suivre son propre chemin et de réaliser son svadharma (devoir personnel). 

La série Breaking Bad nous offre une réflexion profonde sur la question de savoir si nous vivons vraiment la vie que nous voulons vivre. À travers l’évolution de Walter White, la série explore les tensions entre liberté et déterminisme, identité et transformation. Elle révèle la complexité de la condition humaine et la difficulté de concilier nos désirs personnels avec les réalités morales et sociales. 

En conclusion, il semble que nous ne vivions pas toujours la vie que nous souhaitons vivre, et que si nous voulons y parvenir, il faut une prise de conscience, un éveil, ainsi que trouver le courage de combattre la peur de sortir de la conformité et celle des risques à prendre pour entrer dans cette « nouvelle vie ». 

La série Breaking Bad nous rappelle ainsi que la véritable réalisation de soi et de vivre la vie que nous voulons vivre nécessite une réflexion profonde sur la nature de nos désirs et la réalité de nos choix. 

Grégoire Lasnon

Modif. le 3 août 2024

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